Pourquoi la gestion de la carrière et de de la mobilité interne demeurent la cinquième roue du carrosse RH ?
- Jean-Baptiste Audrerie
- 22 août
- 8 min de lecture
La gestion de la carrière et la mobilité interne demeurent sous-cotées et arrivent en dernier dans l'implantation SIRH. On vous explique pourquoi les RH peinent à livrer ces programmes et à les mettre à l'échelle pour personnaliser l'expérience employé malgré une demande forte de la part des candidats et des employés en gestion des des talents.
Carrière et Mobilité : les bons derniers. Toujours !
Dans un contexte où 75% des employés ne s'attendent pas à rester plus de cinq ans dans un même rôle et où la durée moyenne d'emploi plafonne à 4,1 ans, la gestion de carrière et la mobilité interne représentent paradoxalement l'un des défis les plus négligés des organisations modernes.
Bien que ces enjeux figurent systématiquement dans les priorités stratégiques des directions des ressources humaines, ils demeurent trop souvent la "cinquième roue du carrosse" des investissements technologiques et organisationnels.
Lors de nos analyses de besoins en technologies RH pour moderniser l'offre de service RH et l'expérience employé, les équipes RH mentionnent qu'elles souhaitent mettre en place un module de gestion des carrières et de la mobilité interne. Le but est de fidéliser les employés et ainsi réduire les coûts de recrutement, d'onboarding et de montée en compétences. Mais relancer l'ascenseur interne est un vœu qui tombe dans les oubliettes. Le parcours pour se rendre à l'implantation d'une solution SIRH multifonctionnelle puis d'un module de gestion des carrières est long et ardu. Ceux qui ont émis le besoin en amont ne sont souvent plus là pour le déployer 2 ou 3 ans plus tard.
Devant ce constat, on s'est questionné sur les causes de cette difficulté à atteindre un but dont les bénéfices répondent à beaucoup d'enjeux de développement accéléré des compétences et à des aspirations des employés.

Le grand écart entre les attentes et la réalité organisationnelle
Les études récentes révèlent un écart béant entre les attentes des employés et les capacités organisationnelles. Selon les données 2024, 54,8% des candidats se déclarent satisfaits de leur emploi actuel, mais un tiers des nouveaux employés quittent leur poste après seulement six mois. Cette rotation précoce s'explique en grande partie par l'absence de perspectives d'évolution claires et de parcours de carrière structurés.
Les employés d'aujourd'hui placent les possibilités d'évolution et de développement professionnel parmi leurs attentes prioritaires, juste après l'équilibre vie professionnelle-vie personnelle et la rémunération équitable. Pourtant, la majorité des PME et même des grands groupes peinent à offrir des solutions technologiques et organisationnelles à la hauteur de ces aspirations légitimes.
Les cinq verrous systémiques d'une gestion de carrière et de la mobilité dans les PME et Grandes Entreprises.
1. Le réflexe de rétention des gestionnaires.
La mobilité interne souffre d'un paradoxe managérial : les managers gardent leurs "A-players" comme des atouts rares, créant un système qui récompense la thésaurisation plutôt que le partage interne de talents.
Selon LinkedIn, seuls 33% des organisations disposent d'un programme structuré de mobilité interne, et seulement un employé sur cinq se sent capable de bouger en interne.
Cette résistance managériale est quantifiée : jusqu'à 46% des managers s'opposent activement à la mobilité interne, craignant de voir leurs meilleurs éléments quitter leur équipe (Source Deloitte 2019).
Cette rétention défensive coûte cher : recruter à l'extérieur revient 18-20% plus cher et double le risque de départ précoce.
2. Le manque de temps et des programmes génériques, faute de mise à l'échelle de la personnalisation des carrières
Le temps constitue le frein numéro un au développement professionnel. Selon l'enquête Gallup (juillet 2025), 89% des CHRO, 37% des managers et 41% des salariés déclarent ne pas avoir une minute pour se former. Ce manque de temps nourrit un désengagement qui représente déjà 1,9 milliard de dollars de productivité perdue aux États-Unis selon Gallup.
L'approche "One-Size-Fits-All" en développement des compétences aggrave le problème : seuls 23% des salariés américains estiment que leur développement de carrière est réellement aligné sur leur projet professionnel personnel, et à peine 43% considèrent que leur entreprise les incite à se développer en interne. Tant que la formation restera un "plus" déconnecté du flux de travail quotidien, son retour sur investissement demeurera théorique.
L'étude Gallup indique aussi un autre fait troublant : alors que les employés valorisent la formation technique, au poste de travail, les RH continuent de dépenser efforts et budget dans le développement du leadership, qui demeure un enjeu en soi, mais qui montre un écart d'attention.
3. Le grand écart entre une promesse employeur et la réalité
L'alignement entre la proposition de valeur employeur (EVP) et l'expérience vécue constitue un défi majeur. Selon Renascence, les entreprises dont la culture interne contredit leur promesse de marque affichent un roulement de première année multiplié par trois. À l'inverse, l'alignement culture/EVP décuple par 5,2 la propension des employés à devenir ambassadeurs. Cette problématique s'aggrave avec la hiérarchie rigide : la structure pyramidale limite mécaniquement les possibilités d'évolution verticale, tandis que la suppression des postes de management intermédiaire réduit encore les perspectives de progression classiques. Il devient impossible de "PR-iser" une mauvaise expérience à l'ère de la transparence digitale.
4. La courte vue sur la valeur d'apprentissage
Moins de 5% des programmes de re/up-skilling atteignent une phase de mesure, selon LinkedIn Learning Report 2024, alors que les organisations à forte culture d'apprentissage bénéficient de +57% de rétention, +23% de mobilité interne et +8% de promotions managériales.
Cette myopie s'accompagne d'un manque criant de visibilité sur les talents internes : beaucoup d'organisations reconnaissent recourir à LinkedIn pour cartographier les compétences de leurs propres employés, faute d'outils internes pertinents.
Pourtant, selon une autre étude de Gallup (Juillet 2025) , les organisations qui investissent dans des parcours personnalisés observent une hausse de 14% de la satisfaction au travail et de 19% de la productivité, ainsi qu'une réduction de 40% du roulement.
Mieux que cela, toujours selon LinkedIn Learning Report, en 2024, indiquait dans son rapport sur l’apprentissage en milieu de travail, que les entreprises dotées d’une forte culture d’apprentissage ont un taux de promotions au niveau de la direction supérieur de 7 %, un taux de mobilité interne supérieur de 23 % et un taux de rétention supérieur de 57 % à celui de celles où l’apprentissage est moins solide.
5. Le retard d'adoption de solutions technologiques en gestion de la carrière et de la mobilité interne
Les plateformes de type Place de Marché Interne des Talents (Internal Talent Marketplace) pilotées par l'IA restent marginales, alors qu'elles ont démontré leur capacité à booster la mobilité interne de 30% et à réduire drastiquement le roulement chez des leaders comme Unilever, Schneider Electric ou IBM.
Unilever signale également que sa marketplace interne a réduit les coûts de recrutement externe et généré plus de 10 M $ de gains de productivité. Schneider Electric pourvoit 47 % de ses postes internes via cette plateforme. IBM a amélioré les taux de matching de 40 %. C'est ce que l'on apprend dans l'article de Dialogue Review de juin 2025.
Leur faible diffusion s'explique par des coûts élevés, une résistance culturelle et un manque d'expertise interne. Ces plateformes nécessitent des ressources RH et SIRH et de la donnée de qualité pour passer à l'étape de l'individualisation. Des investissements récurrents constituent une marche parfois trop haute pour ceux qui partent de la base.
Cette pénurie d'outils numériques innovants prive les organisations d'une approche moderne de la gestion des talents, alors que 87% des dirigeants constatent ou anticipent des pénuries de compétences (Source McKinsey 2021).
La dette technologique retient la gestion de la carrière et de la mobilité interne à l'âge de pierre
L'implantation réussie de technologies avancées comme les Talent Marketplaces ou les parcours de carrière intelligents nécessite une maturité organisationnelle que peu d'entreprises possèdent. Absorbés par les défis de numérisation de la gestion du capital humain et la gestion d'un écosystème multicouche qui se complexifie.
Cette maturité repose sur des processus fondamentaux : gestion par poste structurée, gestion par compétences opérationnelle, automatisation des mouvements RH, libre-service fonctionnel, recrutement interne établi, identification de la relève, évaluation continue des compétences, et politiques de mobilité transparentes.
Sans ces fondations, mêmes les technologies avancées manquent de données de qualité nécessaires aux IA de recommandations. C'est seulement avec cette base solide qu'une organisation peut bénéficier des fonctionnalités comme les suggestions de postes personnalisées, la mobilité horizontale, les mouvements latéraux, les remplacements temporaires internes et la pratique de "shadowing".
Les impacts d'une offre inexistante ou opaque
L'absence ou l'opacité des opportunités de carrière et de mobilité génère des coûts cachés considérables pour les organisations. Au-delà de la rotation du personnel qui représente un coût direct estimé entre 50% et 200% du salaire annuel d'un poste selon sa complexité, les entreprises subissent une perte de talents internes, une démotivation progressive des équipes, et une détérioration de leur marque employeur.
Les employés privés de perspectives d'évolution développent progressivement un désengagement qui se traduit par une baisse de productivité, une réduction de l'innovation, et ultimement par leur départ vers des organisations offrant de meilleures opportunités de développement. Cette fuite des talents prive l'entreprise de sa mémoire institutionnelle et de ses compétences critiques, créant un cercle vicieux de recrutement externe coûteux et de perte de savoir-faire.
Gagner en maturité ou perdre ses talents
Les leaders comme Workday, SAP SuccessFactors, et Oracle HCM proposent des solutions sophistiquées qui transforment l'expérience employé dans les organisations matures.
Workday HCM Talent Market Place est très orienté analytiques RH et dispose de plusieurs moteurs algorithmiques (ML) de recommandations en formation, coaching et carrière,
SAP SuccessFactors mise sur l'IA pour optimiser la mobilité des talents,
Oracle Fusion Cloud HCM avec Oracle Grow offre une suite complète de gestion du capital humain pour gérer la carrière et la mobilité.
Dayforce Career Explorer a orienté son offre de gestion des compétences en mettant l'employé au centre pour visualiser ses compétences acquises et celles à développer en fonction de cible de carrière.
Les solutions spécialisées révolutionnent l'approche :
EightFold AI avec son intelligence des talents propose plusieurs moteurs de recommandations de contenu de formation et une place de marché des talents,
Gloat est le pionnier des "Internal Talent Marketplaces" permettant aux employés de découvrir les parcours et les opportunités d'emplois et les écarts avec le poste visé.
Fuel50 est connu pour la mobilité accessible aux organisations moyennes,
Phenom est spécialisé en acquisition de talents avec des algorithmes de matching et des suggestions de compétences et d'activités de développement et de formation.
D'autres solutions comme les plateformes de gestion intelligentes des compétences fournissent des tableaux de bord individuels pour piloter sa carrière, son développement et sa mobilité interne. ➡️ Télécharger gratuitement notre Cartographie des solutions de gestion intelligente des compétences ici.
Ces plateformes offrent des suggestions de développement basé sur IA, des parcours de carrière intelligents, une mobilité interne assistée, et des analyses prédictives. Leur succès dépend entièrement de la maturité des processus sous-jacents :
architecture d'emploi bien structurée,
architecture de compétences par emploi,
gestion par les compétences,
recrutement fondé sur les compétences,
formation fondée sur les compétences,
qualité de la donnée du profil employé,
conversations sur les compétences à développer, les perspectives de carrière et les aspirations individuelles
et enfin, des politiques ouvertes et transparentes de mouvement et de progression de carrière.
Vers une gestion des talents personnalisée
Pour transformer la gestion de carrière et la mobilité d'objectif théorique en avantage concurrentiel réel, les organisations doivent adopter une approche progressive et méthodique. Cette transformation commence par un audit honnête de leur maturité actuelle, suivi d'un plan de développement des capacités fondamentales avant d'investir dans des technologies avancées.
Les entreprises qui réussissent cette transformation ne se contentent pas d'acquérir des outils sophistiqués ; elles construisent une culture de développement continu, établissent des processus transparents, et alignent leurs investissements technologiques sur leurs capacités organisationnelles réelles.
Dans son étude 2025, LinkedIn donne les clés des organisations championnes de la gestion de carrière et de la mobilité interne. Ceux qui doivent investir dans les technologies SIRH pour implanter à l'échelle des pratiques individualisées de gestion de la carrière et de la mobilité interne pourront y trouver des chiffres pour étoffer leur dossier d'affaires et muscler leur ROI :
C'est ainsi que la gestion de carrière et la mobilité cessent d'être la cinquième roue du carrosse pour devenir le moteur de l'engagement et de la rétention des talents.
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